The floor is sanity.

TW: abus sexuel, inceste, self-hate

THE FLOOR IS ALSO LES CONCORDANCES DE TEMPS. RIEN A FOUTRE.

Nous sommes le Samedi 17 Juin 2017, il est 13.05, le soleil est en train de cramer la race de toute la terre, il n’y a pas un nuage en vue et je suis en pyjama dans mon lit en train de sur-analyser ma race, comme j’ai l’habitude de le faire.
Ma psy m’a dit plusieurs fois que j’avais le don de dramatiser les choses les plus simples, que je faisais des montagnes de pas grand chose. Mais meuf, j’ai toujours été comme ça, et je ne pense pas changer un jour.
Cela fait 3 jours que je ne sais pas dormir car mon cher cerveau n’a de cesse de ressasser plein de trucs que j’aurais aimé garder enfermés à double tours dans ma mémoire profonde. De le garder pour moi uniquement.
Je pense que j’aurais pu le faire encore quelques temps mais un enchaînement d’événements a fait que c’est venu me frapper de plein fouet comme un TGV à pleine vitesse.

J’ai lu l’interview de Roxane Gay à propos de son livre Hunger, lire ce qui lui est arrivé m’a mise face à ce qui m’est arrivé à moi, à moindre mesure. Ca a été une clé de déchiffrage qui m’a permis de comprendre tellement de choses. J’y ai beaucoup réfléchi dernièrement, j’étais déjà en ébullition.
Puis il y a eu cette conversation durant laquelle on se révèle plus ou moins, on parle de nos blessures de guerre, puis la mention de blessures psychologiques étant plus difficiles à oublier me remet face à ce TGV qui n’attendait que moi.
Mon cerveau bloque sur les dites blessures, sur les torrents de merde qu’elles m’ont apporté. Sur ce qu’elles me font encore aujourd’hui. Je repense à ce jour là. Mes mains tremblent, j’ai des sueurs froides, je ne trouve plus l’air. J’ai beau respirer à fond, rien ne vient. Je ne suis plus là. Je suis 27 ans en arrière.

Il y a 27 ans j’avais 6 ans, j’étais petite et mignonne, comme toute petite fille de 6 ans.
Il y a 27 ans j’étais seule dans ma chambre avec mon cousin de 17 ans.
Il y a 27 ans on “jouait” à deux.
Il y a 27 ans il m’a dit “On joue à un jeu ? Ca va être rigolo, regarde. Ca fait quoi si je te touche là ??”
Il y a 27 ans “là” c’était mon sexe qu’il triturait avec ses doigts.
Il y a 27 ans il m’a dit “Maintenant c’est à toi de me toucher!”
Il y a 27 ans il a pris ma minuscule main et il l’a mise sur sa sale teub de gros connard.
Il y a 27 ans je ne le comprenais pas, mais ma vie s’arrêtait.

Heureusement ton “bonne nuit” me téléporte dans le présent. Heureusement.

Cela fait plusieurs années que je sais, que j’ai redécouvert ce qu’il s’était passé. Tout n’est pas revenu d’un coup d’ailleurs. Des flashs, des images, des sensations apparaissaient aussi vite qu’ils repartaient. Je ne savais absolument pas quoi faire de tout ça, pourquoi mon cerveau m’envoyait ces images absolument ridicules ?
Puis les images sont devenues moins volatiles, plus longues, plus concrètes dans ma tête. Tout ça se déroule sur plusieurs années, c’était un lent et long cheminement pour enfin faire face à mes peurs, mes angoisses.

Je ne l’ai jamais avoué de vive voix à quiconque. Je n’avais pas encore assez confiance en ma psy pour lui dire ce qui pesait si lourd sur mon âme. J’ai eu tellement de mal à accoucher de cette vérité dans mon esprit, je souhaite garder mon secret, car le révéler reviendrait à me mettre à nu, à me faire diagnostiquer, à faire une autopsie de mon esprit.
J’ai pourtant passé des heures à en discuter avec moi-même, je voulais être absolument sûre que mon cerveau ne me jouait pas des tours, j’étais en colère. En colère contre moi-même parce que j’ai mis tellement d’années à déterrer tout ça. En colère parce que ça m’a fait perdre tellement d’années, à ne pas comprendre ce qui m’arrivait.

Je l’ai revu il y a quelques années à l’anniversaire de ma tante, les souvenirs commençaient seulement à revenir.
Je l’ai vu me regarder avec ce regard. J’ai cru que j’allais vomir. Putain mais j’espère qu’il va crever dans d’atroces souffrances.
Je suis tellement en colère contre cette sous-race putain.

C’est environ après cet évènement que j’ai commencé à prendre du poids. Pas énormément, j’étais juste un peu enveloppée.
C’est à cette époque aussi que je me suis rendue compte du regard que les hommes avaient sur les femmes, les garçons sur moi.
Je me souviens d’un jour à l’école, je devais avoir 7 ans, je portais une jupe rouge en laine. On jouait pendant la récré et ce garçon un peu plus vieux me regarde d’une façon tellement bizarre, comme si j’étais un poulet rôti sur une broche.

Je l’ai fait inconsciemment mais il me fallait vraiment une armure pour pouvoir me protéger de toute cette attention. Et ça n’a pas manqué. Chaque année je devenais de plus en plus grosse, et même les régimes et autres diététiciens vus n’ont rien pu faire contre ça.

Il m’a privée d’une enfance tranquille, normale et insouciante.
Il m’a privé d’une adolescence épanouie, de ma vie sentimentale, de ma vie sexuelle.
Il m’a privé de tant d’années, que j’ai passées à me haïr, à haïr tout le monde, à me renfermer sur moi-même, à réfléchir au meilleur moyen de mettre fin à tout ça. Je me tapais la tête contre les murs, j’étais dans un état tel de désespoir que je passais mes nuits à pleurer, ne comprenant pas pourquoi je pleurais, pourquoi je ne pouvais pas dormir, pourquoi cette vie n’était que souffrance.

Je ne servais à rien, personne ne m’aimait, pas même moi. J’étais un parasite, un boulet accroché à la cheville de mes parents. Tout serait tellement plus facile si je mourais, tout le monde serait soulagé de savoir que je ne suis plus là à gâcher l’air que je respire.

J’étais coincée dans un paradoxe: J’étais grosse et la chose que je voulais faire c’était prendre le moins de place possible avec mon gros corps, d’embêter le moins le monde en tant qu’être superflu sur cette terre.
Mais si je mourais il faudrait porter mon cadavre, porter mon cercueil, c’était trop de dérangement.

“Tiens si je grossis encore plus je vais mourir plus tôt”
“J’ai une gêne constante dans mon utérus, c’est bizarre, attends peut-être que j’ai un cancer ? Vite n’allons jamais chez le gynéco”
J’avais abandonné mon corps, il n’était qu’une friche inutile, de toute façon, je ne sortais même plus de la maison, je m’en foutais.

J’utilisais les livres et les jeux-vidéo pour échapper à mes pensées morbides incessantes.
Ma vie était vide de sens donc il fallait que je la meuble d’un monde imaginaire dans lequel je pouvais épanouir mon âme, à défaut de l’épanouir dans la réalité.

J’ai perdu 10 ans, 10 putain d’années à me laisser flotter dans le limbo qu’était devenue ma vie.

Heureusement qu’il y avait ma famille et les amis pour me tirer petit à petit la tête hors de l’eau.
Sans eux je ne sais pas ce que je serai devenue.
Heureusement maintenant je suis bien là.
Même si c’est encore difficile, je n’ai plus l’intention de lâcher la corde.

Nous sommes le Dimanche 18 Juin 2017, il est 1h26 et je suis en train de crever de chaud dans mon lit.

Je suis là.

Le but de ce post est cathartique, il n’a aucune autre vocation que de poser de façon concrète des mots qui me hantaient depuis tant d’années.
Je n’étais pas trop chaude pour le partager mais en fait maintenant que tout est dit, je suis tellement soulagée.

Merci de m’avoir lue. Love sur vous.

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